Article

Commande Publique

Publié le : 18/08/2023

REJETER UNE OFFRE EN MARCHÉS PUBLICS - MOTIVATION, RECOURS ET TRANSMISSION DE L'ANALYSE

Vous avez reçus vos offres, vous avez correctement publié vos critères de sélection, toutes les offres sont conformes et ont pu être analysées sans qu’aucune ne soit déclarée anormalement basse grâce à votre super méthode de détection.

Mais voilà, ce qui devait arriver, arriva : on vous demande les motifs de rejet de l’offre ainsi que la communication du rapport des analyse des offres.

Quelles informations renseigner sur le courrier de rejet ? Quelles informations transmettre suite à une demande ? Et quel rapport transmettre ? « Version 1.docx », « Version 2.docx », « Version finale.docx » ?

Voyons ensemble la procédure, son déroulement, et les documents à transmettre selon quelles modalités.

Rejeter une offre c'est d'abord avoir choisi un attributaire !

Le rejet de l’offre est une des étapes de l’achèvement de la procédure régie par les articles R.2181-1 et suivants du code de la commande publique (à tout le moins, pour les marchés publics). 

Rejeter une offre c’est avant tout en avoir élu une autre ; Avoir fait le choix d’un attributaire. C’est le moment d’écrire le fameux « courrier de rejet ». Bien entendu, avant de l’écrire et de l’envoyer, nous veillerons à ce que le choix soit fait dans les règles de l’art. 

Pour ce faire, et à l’exception des cas dans lesquels les acheteurs ont souhaité instituer des commissions internes, le choix de l’attributaire se fait, pour les procédures formalisées, par une Commission d’Appel d’Offres prévue à l’article L.1414-2 du code général des collectivités territoriales (Pour les procédures adaptées c’est le pouvoir exécutif qui prend la décision ! Bien souvent, cela passe par une commission « MAPA », mais, in fine, c’est l’exécutif qui décide). Bien entendu, cette règle est valide pour toutes les collectivités territoriales, les autres acteurs pouvant être soumis à des règles spécifiques que nous n’aborderons pas.)

Ce pré-requis étant précisé, il convient de rédiger le courrier.

Rédaction du courrier de rejet - Motiver, Motiver et Motiver

Si selon la procédure retenue la motivation du rejet varie, l’indication des voies et délais de recours est, elle, inutile; et ça, c’est une constante ! L’acheteur veillera également à ne pas transmettre trop d’information… ou trop peu…

La motivation du courrier de rejet et les renseignements à transmettre

Comme le mentionne l’article R.2181-1 du code de la commande publique, il convient d’informer du rejet de la candidature ou de l’offre dès que le choix est fait, indépendamment de la procédure retenue : Le courrier de rejet est donc indispensable quelle que soit la procédure retenue.

Pour le reste, le détail des informations contenues dans le courrier de rejet dépend de la procédure :

  • En procédure adaptée :
    • … Aucune information (Oui, pour les procédures adaptées, on peut se contenter de rejeter l’offre sans autre formalité !)
  • En procédure formalisée (Article R.2181-3 du CCP) :
    • Les motifs du rejet,
    • Et, le cas échéant (si l’attribution du marché a eu lieu) :
      • Le nom de l’attributaire ainsi que les motifs de ce choix,
      • La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché

A ce stade donc, il est inutile de faire une littérature qui pourrait vous desservir, car, même en appel d’offre, on peut se contenter de simplement inscrire, dans le courrier de rejet, le nom de l’attributaire, les notes obtenues par chacun ainsi que le classement :

« 6. Considérant, en premier lieu, que le courrier du 17 décembre 2012, adressé par la commune de Mandelieu-la-Napoule à la société Ecogom pour lui notifier le rejet de son offre, précisait le classement de celle-ci, les notes qui lui avait été attribuées ainsi que le nom de l’attributaire et les notes obtenues par ce dernier ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 80 du code des marchés publics ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté » (Conseil d’État, 7ème / 2ème SSR, 19/04/2013, 365617)

Ce n’est donc qu’à la demande d’un candidat évincé qu’il convient de lui fournir un peu de littérature quant au rejet de son offre (Article R.2181-4 du CCP). Et, à ce propos, nous vous conseillons de ne jamais céder, à ce stade, aux pressions des candidats évincés, éventuellement épaulés de leurs avocats, qui demandent la communication du rapport d’analyse des offres.

En effet, d’une part, aucun texte ni aucune jurisprudence n’impose, à ce stade, l’obligation de fournir ce rapport, et, d’autre part, de manière pratique, tant que le marché n’est pas signé, il ne s’agit pas d’un document administratif communicable (CADA, conseil n° 20072665 du 5 juillet 2007). D’autant qu’une fois le rapport communiqué il peut servir de base à un éventuel contentieux si les informations contenues en son sein ne sont pas toutes analysées pour être, le cas échéant, occultées !

Pour être complet et finir, nous noterons que le fait de ne pas fournir les éléments de l’article R.2181-4 du CCP, dans le délai qu’il prescrit constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ! 

Pour le reste du courrier, aucune mention des voies et délais de recours n’est à prévoir.

L'indication des voies et délais de recours : Une mention inutile dans les courriers de rejet

Tout bon juriste en droit public le sait, et le répète « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » (Article R.421-1 du code de justice administrative), pour autant que la décision mentionne les voies et délais de recours (Conseil d’État, Assemblée, 13/07/2016, 387763).

Le risque est donc qu’en l’absence de mention des voies et délais de recours dans la décision, elle soit contestable pendant un délai raisonnable … supérieur à 2 mois donc !

Mais dans le cadre d’une décision de rejet, il est inutile de le mentionner. Ce n’est pas cette décision qui ouvre droit à la contestation de la procédure de passation, mais l’avis d’attribution. Pour le dire autrement, si les voies et délais de recours contre la procédure de passation doivent être renseignés dans le Règlement de consultation ou l’Avis d’Appel Public à Concurrence, ils sont inutiles sur les courriers de rejet.

Caractère préparatoire du rapport d'analyse des offres

Enfin, si vous deviez transmettre le rapport d’analyse des offres, vous pourriez vous demander quelle version transmettre ? (déjà, nous rappelerons qu’il devient communicable à compter de la signature du marché).

Et à ce stade, comme nous l’avons vu, le choix appartenant à l’exécutif ou à la CAO, tous documents non visés par eux dans la décision de choix n’est qu’un document préparatoire. Pour le dire autrement, la CAO et l’exécutif n’étant pas liés, mais seulement éclairés, par le rapport dont les saisissent l’administration, ils peuvent le modifier et demander à l’administration de le modifier.

In fine, cela signifie que tout document antérieur, quand bien même il aurait été communiqué, ne vaut pas décision, et ne préjuge en rien du choix qui sera fait par le véritable détenteur du pouvoir exécutif (CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 19/06/2023, 21MA02079) :

« 8. Ainsi que l’a à bon droit relevé le tribunal, la seule production de deux documents intitulés dans le bordereau de pièces du demandeur de première instance  » rapports d’analyse des offres  » et  » tableau d’analyse des offres 1ère version  » et  » 2e version « , qui constituent des documents de travail internes et provisoires émanant des services techniques de la commune, n’est pas suffisante pour révéler la falsification du rapport d’analyse des offres. Par ailleurs contrairement à ce que soutient la société requérante, le fait que dans les échanges de courriels et notamment dans celui du 1er juillet 2019 émanant du directeur général des services techniques (DGS) transmettant des documents préparatoires à l’analyse des offres au coordonnateur général des services en vue de la préparation de la commission d’appel d’offres, il ne soit pas fait référence à ces documents de travail, dans l’une de leur version, n’est pas suffisant pour considérer qu’il ne s’agirait pas de documents internes, provisoires, et préparatoires.« 

Gare donc aux documents multiples ! Veillez à viser le bon document au moment du choix !