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Publié le : 13/10/2023
La vente d'un bien immobilier par une personne publique
On le sait, les propriétés des personnes publiques sont grevées d’un certains nombres de règles édictées, notamment, au sein du code général de la propriété des personnes publiques. La vente d’un bien immobilier passe donc par certaines étapes obligatoires permettant d’éviter les pièges juridiques.
Les principales étapes de la vente d'un bien immobilier par une personne publique
De manière pratique on peut résumer les étapes de la vente comme suit :
Étape 1 – Vérifier s’il s’agit d’un bien du domaine privé ou public
Cette question a pour finalité de savoir si la vente est autorisée ou non. Dans le cas de la vente d’un bien du domaine public, la vente sera « interdite » sans accomplir certaines formalités, alors que pour un bien du domaine privé, la liberté contractuelle prime et la vente est possible.
[1] Article L.2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP)
[2] Pour être précis, ces règles sont applicables pour la vente à une personne privé. Dès lors qu’il s’agit de vendre à une autre personne publique, les articles L.3112-1 et suivants du CGPPP n’impose plus le déclassement.
Étape 2 – Contacter le service des Domaines de l’État
Toutes les collectivités territoriales doivent obligatoirement recueillir l’avis du service des Domaines de l’Etat dans le département pour faire évaluer le bien immobilier en vue d’une vente (sauf les communes de moins de 2000 habitants) selon l’Article L.3221-1 du CGPPP :
L’avis de l’autorité compétente de l’Etat sur les projets de cessions d’immeubles ou de droits réels immobiliers poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics est donné dans les conditions fixées aux articles L. 2241-1, L. 3213-2, L. 4221-4, L. 5211-37 et L. 5722-3 du code général des collectivités territoriales.
Cet avis n’est pas liant (i.e. la collectivité peut décider de fixer un prix supérieur ou inférieur à cet avis), et il est réputé donné sous 1 mois suivant la saisine.
Étape 3 – Comment déterminer le prix de vente
Bien que l’avis soit obligatoire, il n’est pas liant. La collectivité peut décider de passer outre. Néanmoins, en fonction du prix de la vente et de la qualité de l’acheteur des obligations et des conditions sont imposées.
Les ventes passées au prix du marché, à savoir au prix fixé par le Service des Domaines, ne poseront aucune difficulté en elle-même. Pour les autres (celles passées en deça de la valeur vénale), des conditions s’imposent sur le prix :
- Quelle que soit l’activité de l’acquéreur (Entreprise, association, particulier…), la vente doit répondre à deux conditions indépendamment de sa qualité (Qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une association (CE, 25 novembre 2009, n° 310208) ou d’un particulier (CE, 14 octobre 2015, n° 375577) :
- En plus de ces conditions, lorsque l’acheteur exerce une activité économique, la collectivité devra s’assurer que le rabais consenti sur le prix de vente (au regard du prix du marché) est compatible avec le régime des aides d’État.
1- Sur les deux conditions principales à remplir
- Quelle que soit l’activité de l’acquéreur (Entreprise, association, particulier…), la vente doit répondre à deux conditions :
- Elle doit être justifiée par l’intérêt général :
- Développement économique du territoire,
- Création d’emploi,
- Favoriser le lien social,
- Animation de la vie urbaine,
- Favoriser l’installation d’une population jeune dans la commune….
- Elle doit être justifiée par l’intérêt général :
- Elle doit comporter 2 chose : des contreparties suffisantes ET effectives
- Quelles contreparties ?
- Retombées économiques pour la collectivité,
- Économies permises par la cession,
- Développement d’une offre culturelle,
- Faciliter les conditions de circulation dans la commune…
- Comment s’assurer de l’effectivité ?
- Augmentation du prix de vente si les contreparties ne sont pas réalisées dans le délai imparti,
- Sanctions financières,
- Insérer des clauses anti-spéculatives
- (Sur ces questions on pourra se reporter à ce guide du Cerema énonçant les clauses d’inaliénabilité, le pacte de préférence ou encore les clauses d’agrément)
- Quelles contreparties ?
- Elle doit comporter 2 chose : des contreparties suffisantes ET effectives
/!\ Attention /!\
Comme on le verra dans le point 4 ci-dessous, le fait d’imposer des contreparties à l’acheteur peut conduire à qualifier la vente en marché public. En conséquence, la collectivité devra respecter certaines obligations de publicité et de mise en concurrence inscrite au code de la commande publique.
Pour éviter cette qualification, on se réfèrera au point 4 ci-dessous. Mais, globalement, retenons à ce stade, que le fait d’imposer des charges trop importante à l’acquéreur dans le cadre de la vente peut emporter contrat de la commande publique (Construction ayant pour but de revenir majoritairement à la collectivité, Construction sur laquelle elle exerce une influence déterminante sur la construction ou la conception, service ayant pour objet de profiter directement à la collectivité…)
2- Sur la condition supplémentaire en cas d'activité économique de l'acquéreur
- En plus de ces conditions, lorsque l’acheteur exerce une activité économique, (« toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » CJCE, 16 juin 1987, Commission/ Italie, aff. C-118/85) la collectivité devra s’assurer que le rabais consenti sur le prix de vente (au regard du prix du marché) est compatible avec le régime des aides d’État :
- Si l’aide a pour objet la création ou l’extension d’activité économique, il sera nécessaire de se conformer aux dispositions internes pertinentes, notamment sur le code général des collectivités territoriales (L.1511-1 et suivants du CGCT ainsi que R.1511-1 et suivants du CGCT)
- Mais également s’assurer que l’aide est compatible avec le régime établit par les articles 106 et 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (Un Vade-mecum est disponible)
Étape 4 – Vérifier que la vente ne soit pas qualifiée de contrat de la commande publique
Comme on l’a vu au point précédent, le fait d’imposer des conditions trop importante à l’acquéreur lors de la vente peut conduire à requalifier la vente en contrat de la commande publique et nécessiter une mise en concurrence.
Sur la qualification, le marché public est défini comme suit par l’Article L.1111-1 du CCP :
Un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent
La problématique se situe majoritairement au niveau des « besoins » auxquels répondraient l’acquéreur.
Analysons les cas dans lesquels les charges imposées seraient problématiques :
Étape 5 – Vérifier que la vente ne soit pas qualifiée de contrat de la commande publique
L’assemblée délibérante étant seule compétente pour gérer les opérations immobilières*, l’initiative d’une vente lui appartient.
A cette occasion, l’assemblée délibérante devra :
- Avoir pris en compte l’avis des services du Domaine de l’État, à peine d’illégalité de la décision**
- Les élus doivent simplement prendre en compte le sens de l’avis, la motivation. Il n’est pas requis qu’ils disposent de l’avis en lui-même (Conseil d’Etat 11 mai 2011, no 324173)
- Fixer les conditions de la vente ainsi que les caractéristiques essentielles de celle-ci,
- Autoriser l’exécutif à signer la vente.
*Voir pour les communes : Article 2241-1 du CGCT ; Pour les départements : Article L.3213-2 du CGCT ; Pour les régions : Article L.4221-4 du CGCT ; Pour les EPCI : Article 5211-37 du CGCT ; Pour les syndicats mixtes : Article 5722-3 du CGCT
**Toutefois, bien qu’il s’agisse d’une condition de validité de l’acte, le juge recherchera si l’absence de prise en compte de l’avis a eu une influence sur le sens de la délibération. Dans la négative, et sauf autre irrégularité, elle ne sera pas sanctionnée (Conseil d’Etat , sect., 23 oct. 2015, n°369113)